docteur j'ai la fomo, C'est grave ?

Découverte d’un nouveau phénomène

Le terme FOMO nous vient de l’anglais. Il s’agit de l’acronyme de “Fear Of Missing Out” (à savoir la “peur de manquer quelque chose”). Ce terme a émergé à partir des années 2012, avec l’intensification de l’utilisation et l'expansion des réseaux sociaux. Il désigne l’inquiétude (et parfois même l’anxiété) provoquée chez les gens à l’idée de passer à côté d’un événement auquel ils ne prennent pas part, tout en sachant que cet événement a lieu. Le concept de la FOMO se nourrit en grande partie de l’objectif principal des réseaux sociaux, à savoir : partagez !

L'action de publier du contenu sur les réseaux sociaux repose sur l’idée du “partage” (share en anglais). Ces réseaux sont une fenêtre ouverte sur le monde. Les “stories”, notamment, nous permettent de voir des événements, souvent en temps réel. Que ces derniers relèvent de la sphère publique (concerts, interview, etc.) ou privée (soirées, sorties entre amis, anniversaires, mariages, etc.). Dès lors, en choisissant d’aller sur les réseaux, nous devenons spectateurs de la vie des autres, puisqu’ils sont alimentés par le contenu produit par les utilisateurs. Et par la force des choses, cela nous pousse, inexorablement, à nous comparer constamment.

Il y a là une transformation du processus de réaction à l’information. En théorie, si quelqu’un vous dit qu’il/elle a fait quelque chose ce week-end (exemple : une sortie dans un parc d’attraction), votre première réaction sera d’être content pour la personne. Mais, comme expliqué ci-dessus, le processus de FOMO va venir altérer cette réaction, en transformant l'événement (auquel vous aurez eu accès par les réseaux sociaux grâce aux photos/vidéos), en une occasion manquée, quand bien même vous auriez fait autre chose ce même week-end.

 

 

Signes avant-coureurs psychiques et sociaux: anxiété, FRustration, addiction

Toutefois, à le regarder de plus près, il apparaît que le syndrome de la FOMO, bien qu’ayant été fortement exacerbé par l’utilisation des réseaux sociaux, est en réalité un sentiment tout à fait humain. Le fait, lorsqu’on nous raconte un événement, de se dire “tiens, moi aussi j’aurais bien aimé y aller ou le faire” est une réaction naturelle. Mais le problème de la FOMO, c’est que, comme toute surréaction, elle engendre des sentiments de manque, de dépendance et de dévalorisation et voit l’occasion manquée comme une situation insupportable et un problème à résoudre. De cette impression d’avoir manqué une occasion et d’être ainsi passé à côté de quelque chose, naissent différents sentiments qui sont tous négatifs :

 

L’anxiété d’être jugé sur quelque chose que l’on n’a pas fait ou de ne pouvoir répondre rapidement à un message. Le sentiment d’exclusion provoqué lorsque tous nos amis font quelque chose sans nous (par exemple une soirée ou un anniversaire). L’addiction est provoquée par le fait de vivre la vie des autres par procuration. Ce qui nous en rend dépendant, puisque l’on est en permanence sollicité. La frustration et la jalousie de n’avoir pu prendre part à cet événement rendent envieux. La dévalorisation et la baisse de l’estime de soi - surtout pour les jeunes dont la personnalité est en construction - lorsqu’ils n'obtiennent pas l’approbation et la validation virtuelle des autres agents (matérialisés par les vues et les likes).

 

Au-delà de la comparaison permanente avec les autres qui est déjà un problème en soi, l’une des conséquences plus graves pour certaines personnes est qu’elles ont l’impression que, lorsqu’elles font une chose, elles doivent forcément la documenter pour qu’elle existe.

  

Quels publics? Jeunes et/ou PRos

 Selon différentes études, la FOMO touche davantage les jeunes (pré-ados, ados, et jeunes adultes) et ce pour différentes raisons. À l'âge préadolescent et adolescent, les individus sont en pleine construction identitaire, en recherche de repères. Dès lors, la comparaison et la dépendance sont exacerbées. Les jeunes recherchent une validation de leurs pairs, qui est ici fournie par des réactions aux contenus qu’ils postent. Cette situation est préoccupante car, plus ils sont jeunes, moins ils ont conscience que l’angoisse liée aux réseaux sociaux n’en vaut pas la peine, que la vie en ligne n’est pas “réelle” et que cela peut être une perte de temps.

Si le phénomène de la FOMO a le plus souvent été observé chez les très jeunes durant les dix dernières années, cette dépendance touche des catégories de plus en plus larges de la population. On observe aujourd’hui que le phénomène de la FOMO est favorisé par l’hyperconnexion des individus, cette dernière pouvant être due à l’utilisation personnelle et/ou professionnelle des outils numériques (appareils, réseaux sociaux, messageries).

Il apparaît, et ce depuis la pandémie de Covid-19, que non seulement l’hyperconnexion imposée en raison des différents confinements a accentué le phénomène de la FOMO, mais que, par ailleurs, ce phénomène est devenu beaucoup plus insidieux. En effet, s’il ne touchait auparavant que la sphère privée, il semble entre-temps avoir gagné la sphère professionnelle, ce qui explique la perméabilité croissante, depuis deux ans, des frontières entre les deux sphères.

 

Le milieu professionnel également infesté par la FOMO. La question de la FOMO touchant la sphère professionnelle est beaucoup plus délicate parce qu’au problème initial, il faut ajouter la complexité des rapports hiérarchiques. En effet, si on souhaite se déconnecter dans la vie personnelle, c'est un choix individuel, la personne fait comme bon lui semble et, en principe, personne ne peut lui demander de rendre des comptes.

En revanche, dans la vie professionnelle, la personne a des missions, elle doit potentiellement être joignable et connectée (emails, sms sur portable pro, agenda, réunion).

Prenons deux exemples : le cas d’une secrétaire de direction et le cas d’une avocate. L’une est au service de sa direction et doit gérer les agendas de tout le monde, les réunions, les déplacements, etc. L’avocate doit, quant à elle, gérer ses dossiers, être joignable par ses clients, ses collaborateurs, parce que son travail ne s’arrête pas lorsqu’elle part du cabinet. Dès lors, dans ces deux exemples pourtant bien distincts, les agents ne peuvent pas décider, d’un instant à l’autre, de ne plus consulter leur mails, leurs appels téléphoniques et devenir injoignables. Ces décisions ont des incidences sur la vie de l’entreprise et sur la vie des clients (dans le pire des cas). De plus, l’ordre d’un supérieur de rester joignable peut difficilement être ignoré, ce dernier étant en position de force.

Or, ces entraves à la déconnexion et à la prise de recul, sont la source d’abus et renforcent la dépendance aux moyens de communication, une situation empirée quand la distinction entre le matériel professionnel et personnel ne se fait plus.

 

 

LB, KM, JQG, LN